..."Aux masses si nombreuses et si nécessaires de tant d'aqueducs,
allez donc comparer des pyramides qui ne servent évidemment à rien,
ou encore les ouvrages des grecs, inutiles, mais célébrés partout !"
FRONTIN, De Aquaductu, XVI.
L’aqueduc romain du Gier ou Pilat est le plus long ouvrage hydraulique français datant de cette époque, et figure à ce titre dans le palmarès des dix plus longs de l’époque romaine.
L’aqueduc ? C’est 85-86 kilomètres, dont la plus grande partie est enterrée, une trentaine de ponts, une dizaine de tunnels, quatre siphons, des tranchées, des murs et des arches pour le soutenir, et tout cela en respectant une pente régulière d’un petit peu plus d’un millimètre au mètre.
Ses dimensions ? Intérieures : largeur 0,55/0,60 m; hauteur 1, 60 m environ.
On y trouve également des regards de visite (plus de 1.000 sans doute), le plus souvent tous les deux actus (mesure romaine valant 36 mètres), de deux types, le plus souvent en alternance, de la largeur du canal, dits de petit module, ou donc plus grands que la canalisation (0,90 x 0,90 m), ces derniers étant presque toujours munis d’un fonds surbaissé, bac à sédiments en somme.
Ces regards (appelés puits sur les tunnels), ont servi dès la construction de l’aqueduc à l’aération nécessaire aux ouvriers, au maintien de la direction et du niveau; ensuite, lorsque l’ouvrage fut en service, ces regards permirent l’accès pour l’entretien général et aussi à repérer le tracé grâce aux dalles de couverture.
90 ont été déjà été repérés et signalés, mais combien ont disparu du fait des travaux agricoles, des constructions, des routes, maisons, etc, mais il arrive d’en voir apparaître de nouveaux pour les mêmes raisons...
La prise d’eau de l’ouvrage avait lieu dans la rivière Gier au lieudit Moulin-Combat sur la commune de Saint-Chamond, son arrivée, à Lyon, au plus haut de la colline de Fourvière, soit un dénivelé d’environ 105 mètres.
Mais pourquoi aller chercher si loin l’aqua simplex, alors qu’elle coule abondante au pied de la colline lyonnaise ?
Vitruve (architecte romain mort en 26 avant notre ère), dans son livre « Les dix livres d’architecture », au chap. V du livre VIII, nous donne les critères qui à l’époque présidaient à ce choix.
Autres temps, autres mœurs…
On peut donc logiquement penser que l’eau du Gier présentait à cette époque les caractéristiques désirées.
L’appareil réticulé (l’opus reticulatum) qui le caractérise, dans son revêtement extérieur est très exceptionnel pour ce type d’ouvrage.
Les lignes horizontales que l’on retrouve à partir d’une certaine hauteur du support de l’ouvrage, les arases, sont en schistes ou en briques; elles permettaient d’élever les parties construites, en repartant chaque fois de l’horizontalité, d’une part et évitaient une dégradation trop rapide de l’ouvrage, en « bloquant », pendant un certain temps tout au moins, les lézardes verticales.
On ne sait pas quelle quantité d’eau a été transportée, ni pendant combien de temps l’ouvrage a fonctionné ! En effet, l’eau du Gier n’a laissé aucun dépôt sur les parois revêtues du fameux tuileau romain « l’opus signinum » !
La voûte de l’aqueduc était composée de claveaux, pierres disposées en éventail, et la pierre centrale maintenait le tout.
Le premier des quatre siphons est situé sur la commune de Genilac, il mesure 900 m de long pour une hauteur de flèche de 79 mètres. A Brignais se trouve le second, à Chaponost le plus imposant (2 660 m de long pour 123 m de flèche) le dernier joint le fort Saint-Irénée à la colline de Fourvière.
La datation d’un tel ouvrage est encore aujourd’hui incertaine; il semblerait d’après les dernières recherches, qu’il faille dater l’aqueduc du premier quart du premier siècle de notre ère.
"...Au côté des voies et des égouts, les aqueducs
sont placés au rang des trois plus magnifiques œuvres romaines
par lesquelles apparaît la grandeur de l'Empire".
DENYS D'HALICARNASSE, III, 67.
|